mercredi 6 janvier 2016

Réflexions autour d'un café


Texte de 2011 - Pensées 


On note souvent des résolutions.
On fait souvent des listes.

Des listes sans concessions : deux pôles s'affrontent toujours. Le pour, le contre. Le bien, le mal.

Souvent réservées aux anniversaires ou premiers de l'an, propres aux bilans de vie, les petites phrases écrites en patte de mouches à cause du verre de vin de trop deviennent ligne de conduite à suivre, serment d'un désir de changement constructif, et surtout, nous apporter du bien à l'avenir. Sauf qu'on sait tous qu'outre le furtif sentiment de prendre sa vie en main, lors de leur écriture, ça n'a guère d'utilité sur le long terme.

Tout comme ces défauts, dont on réalise être affectés et que l'on tente d'éradiquer telle une maladie dont la pandémie annihilerait très probablement notre espèce. Ces défauts que l'on a pas le droit d'avoir, non, parce que vous comprenez, c'est pas bien, c'est défendu, c'est même très mal les défauts, c'est le Diable, c'est Satan. Forbidden et c'est tout.

Personnellement, ce matin, je me sens d'humeur plutôt bonne. (si, si, ça m'arrive)
Et mon amour de l'anti-conventionnel fait que je pense encore changer quelques règles à ces listes et autres habitudes dont on oublie que l'on peut émettre une objection.

Griffonner, faire des petites modifications ici ou là, parce que je resterai de ceux qui auront toujours besoin de contourner les sens-interdit et préféreront les hautes herbes aux panneaux d'indication. Je regarde la tradition des bonnes résolutions, et je fais des changements dans mon petit univers en suspend.

Pour commencer, on pourrait peut-être déjà noter nos qualités, celles que l'on désirerait voir s'épanouir un peu plus à l'avenir et qui nous constituent également. Ces qualités recluses dans l'ombre de nos maléfiques défauts. Ces qualités qui finissent par s'étioler, laissées pour mortes sur le champ de bataille, parce qu'il est tellement plus dans courant de vouloir modifier que préserver. De remplacer au lieu de réparer. Génération de la performance et du gâchis.

Comme si une qualité était forcément acquise, telle une performance dans un jeu vidéo. Acquise mais surtout, il faut bien l'avouer, inutile : à quoi bon s'arrêter dessus, ce n'est pas un détail important, un détail à modifier ! Qu'est-ce qu'on s'en fout des qualités, c'est pas ça l'essentiel, réalisez-vous tout ce qu'il vous faudra corriger, à côté ?
C'est certain, il est tellement plus valorisant de faire une longue liste de tout ce qui cloche chez nous, c'est une telle aide que de réaliser tout ce qui ne va pas.
Délivrez-nous du mal, mais sans nous laisser avoir le droit de nous découvrir des mérites et pire, oser les assumer.

Il peut être intéressant de faire quelques remarques au propos de nos qualités, afin d'éviter qu'elles ne deviennent nuisibles. Car la qualité n'est pas forcément en haut du podium, vierge de tout vice, de la même manière que le défaut est satanique.

La gentillesse est une belle vertu, mais elle peut créer des abus de la part d'autrui, faire de nous des victimes pacifiques, mais des victimes malgré tout. L'altruisme peut rapidement nous rendre malheureux… mais pas forcément pour notre propre sort. On observe le monde, on comprend ce qui nous entoure, et l'on finit emportés par tout ce ressenti qui nous dévaste et nous envahi, détruits de réaliser combien l'injustice et la douleur règnent partout.

Ensuite, on pourrait imaginer laisser le droit aux défauts de dévoiler leurs bons côtés. Car il est si facile de toujours se reporter au mensonge qui nous proclame que tout est soit Noir, soit Blanc. Le bien d'un côté, le mal de l'autre, on connait le refrain, on le connait même d'ailleurs un peu trop. Les défauts peuvent avoir du bon. Être égoïste peut être salvateur, s'intéresser et aider autrui est remarquable, mais savoir se laisser du temps pour soi, et soi seul, c'est encore plus remarquable. Vous êtes réservé ? Pourquoi pas aussi mystérieux ? Vous dites-trop souvent ce que vous pensez ? Au fond, le mensonge n'est pas votre allié.

Les comportements néfastes peuvent être accompagnés d'un paragraphe « ce que je fais, ou ai fait de bien ». Et d'ainsi énumérer remarques constructives, compliments, actes dont nous pouvons êtres fiers (si, si), ou qui ont eu des répercussions positives. S'autoriser à ne pas être seulement un être dont il faut encore modifier nombre de comportements.

S'autoriser à ne pas être ni bon, ni mauvais, juste humain, entre défauts et qualités, quelque part dans les nombreuses nuances de gris existantes.

Après tout, ça ne coûte rien.

Ou disons que ça coûte juste de tenter de se voir d'une façon moins péjorative, moins négative, d'accepter l'espace d'un instant à voir autrement, se donner le droit de prendre un risque : celui de peut-être être plus indulgent avec soi.

Et réaliser que si l'on remodèle un peu la traditionnelle liste de résolutions dont les exigences nous assomment, rajouter des points, en modifier d'autres, se permettre des fantaisies pas si folles, peut permettre de mieux s'entendre avec nous.

Accepter ces valeurs que l'on oublie force de ne s'en apercevoir, cachées derrière les « il faut changer de telle manière afin d'obtenir tel but » et autres « comment devenir meilleur en dix étapes » qui croient nous aider en nous sommant de suivre telle ou telle route, mais au final nous égarent davantage.
Constater qu'au final, y'a peut-être moins de boulot à faire qu'on ne l'imaginait, que nos défauts ne sont pas forcément des tumeurs ou furoncles, que nos qualités peuvent nous perdre, mais aussi que nous avons fait beaucoup de choses importantes et valorisantes, détails que l'on a tendance à oublier au profit de ces quêtes que l'on est censés accomplir selon les codes et autres lois des mœurs sociales.
Car les mœurs sociales sont puissantes, et peuvent facilement vous convaincre que vous avez raté votre vie, alors que vous avez juste suivi votre propre voie. Les mœurs imposent, mais au fond, aucune alarme ne se déclenche si l'on s'éloigne de la jolie flèche blanche tatouée sur le sol.
Non, vous n'êtes pas parfait, d'ailleurs, autant rompre le charme : vous ne le serez jamais.

Commençons à voir.
A voir vraiment.
Sans lunettes de soleil ni masque.

Et tout risquera alors devenir… disons, plus clair.

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