Texte de 2011 - Pensées
On note souvent des résolutions.
On fait souvent des listes.
Des listes sans concessions : deux pôles s'affrontent toujours. Le pour, le contre. Le bien, le mal.
Souvent
réservées aux anniversaires ou premiers de l'an, propres aux bilans de
vie, les petites phrases écrites en patte de mouches à cause du verre de
vin de trop deviennent ligne de conduite à suivre, serment d'un désir
de changement constructif, et surtout, nous apporter du bien à l'avenir. Sauf
qu'on sait tous qu'outre le furtif sentiment de prendre sa vie en main,
lors de leur écriture, ça n'a guère d'utilité sur le long terme.
Tout
comme ces défauts, dont on réalise être affectés et que l'on tente
d'éradiquer telle une maladie dont la pandémie annihilerait très
probablement notre espèce. Ces défauts que l'on a pas le droit d'avoir,
non, parce que vous comprenez, c'est pas bien, c'est défendu, c'est même
très mal les défauts, c'est le Diable, c'est Satan. Forbidden et c'est
tout.
Personnellement, ce matin, je me sens d'humeur plutôt bonne. (si, si, ça m'arrive)
Et
mon amour de l'anti-conventionnel fait que je pense encore changer
quelques règles à ces listes et autres habitudes dont on oublie que l'on
peut émettre une objection.
Griffonner, faire des petites
modifications ici ou là, parce que je resterai de ceux qui auront
toujours besoin de contourner les sens-interdit et préféreront les
hautes herbes aux panneaux d'indication. Je regarde la tradition des bonnes résolutions, et je fais des changements dans mon petit univers en suspend.
Pour
commencer, on pourrait peut-être déjà noter nos qualités, celles que
l'on désirerait voir s'épanouir un peu plus à l'avenir et qui nous
constituent également. Ces qualités recluses dans l'ombre de nos
maléfiques défauts. Ces qualités qui finissent par s'étioler, laissées
pour mortes sur le champ de bataille, parce qu'il est tellement plus
dans courant de vouloir modifier que préserver. De remplacer au lieu de réparer. Génération de la performance et du gâchis.
Comme
si une qualité était forcément acquise, telle une performance dans un
jeu vidéo. Acquise mais surtout, il faut bien l'avouer, inutile : à
quoi bon s'arrêter dessus, ce n'est pas un détail important, un détail à
modifier ! Qu'est-ce qu'on s'en fout des qualités, c'est pas ça
l'essentiel, réalisez-vous tout ce qu'il vous faudra corriger, à côté ?
C'est
certain, il est tellement plus valorisant de faire une longue liste de
tout ce qui cloche chez nous, c'est une telle aide que de réaliser tout
ce qui ne va pas.
Délivrez-nous du mal, mais sans nous laisser avoir le droit de nous découvrir des mérites et pire, oser les assumer.
Il
peut être intéressant de faire quelques remarques au propos de nos
qualités, afin d'éviter qu'elles ne deviennent nuisibles. Car la qualité
n'est pas forcément en haut du podium, vierge de tout vice, de la même
manière que le défaut est satanique.
La gentillesse est une belle
vertu, mais elle peut créer des abus de la part d'autrui, faire de nous
des victimes pacifiques, mais des victimes malgré tout. L'altruisme peut
rapidement nous rendre malheureux… mais pas forcément pour notre propre
sort. On observe le monde, on comprend ce qui nous entoure, et l'on
finit emportés par tout ce ressenti qui nous dévaste et nous envahi,
détruits de réaliser combien l'injustice et la douleur règnent partout.
Ensuite,
on pourrait imaginer laisser le droit aux défauts de dévoiler leurs
bons côtés. Car il est si facile de toujours se reporter au mensonge qui
nous proclame que tout est soit Noir, soit Blanc. Le bien d'un côté, le
mal de l'autre, on connait le refrain, on le connait même d'ailleurs un
peu trop. Les défauts peuvent avoir du bon. Être égoïste peut être
salvateur, s'intéresser et aider autrui est remarquable, mais savoir se
laisser du temps pour soi, et soi seul, c'est encore plus remarquable.
Vous êtes réservé ? Pourquoi pas aussi mystérieux ? Vous dites-trop
souvent ce que vous pensez ? Au fond, le mensonge n'est pas votre allié.
Les comportements néfastes peuvent être accompagnés d'un paragraphe « ce que je fais, ou ai fait de bien ». Et
d'ainsi énumérer remarques constructives, compliments, actes dont nous
pouvons êtres fiers (si, si), ou qui ont eu des répercussions positives.
S'autoriser à ne pas être seulement un être dont il faut encore
modifier nombre de comportements.
S'autoriser à ne pas être ni
bon, ni mauvais, juste humain, entre défauts et qualités, quelque part
dans les nombreuses nuances de gris existantes.
Après tout, ça ne coûte rien.
Ou
disons que ça coûte juste de tenter de se voir d'une façon moins
péjorative, moins négative, d'accepter l'espace d'un instant à voir
autrement, se donner le droit de prendre un risque : celui de peut-être
être plus indulgent avec soi.
Et réaliser que si l'on remodèle un
peu la traditionnelle liste de résolutions dont les exigences nous
assomment, rajouter des points, en modifier d'autres, se permettre des
fantaisies pas si folles, peut permettre de mieux s'entendre avec nous.
Accepter
ces valeurs que l'on oublie force de ne s'en apercevoir, cachées
derrière les « il faut changer de telle manière afin d'obtenir tel but »
et autres « comment devenir meilleur en dix étapes » qui croient nous
aider en nous sommant de suivre telle ou telle route, mais au final nous
égarent davantage.
Constater qu'au final, y'a peut-être moins de
boulot à faire qu'on ne l'imaginait, que nos défauts ne sont pas
forcément des tumeurs ou furoncles, que nos qualités peuvent nous
perdre, mais aussi que nous avons fait beaucoup de choses importantes et
valorisantes, détails que l'on a tendance à oublier au profit de ces
quêtes que l'on est censés accomplir selon les codes et autres lois des
mœurs sociales.
Car les mœurs sociales sont puissantes, et peuvent
facilement vous convaincre que vous avez raté votre vie, alors que vous
avez juste suivi votre propre voie. Les mœurs imposent, mais au fond,
aucune alarme ne se déclenche si l'on s'éloigne de la jolie flèche
blanche tatouée sur le sol.
Non, vous n'êtes pas parfait, d'ailleurs, autant rompre le charme : vous ne le serez jamais.
Commençons à voir.
A voir vraiment.
Sans lunettes de soleil ni masque.
Et tout risquera alors devenir… disons, plus clair.
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