vendredi 30 décembre 2016

mardi 8 mars 2016

Clap de fin



Je ferme ce blog au profit d'un bon vieux carnet à spirale.
J'ai besoin d'écrire sans conséquences après et sans spectateur. 
D'écrire mes ressentis pour moi et moi seule.
Clap de fin.

lundi 7 mars 2016

Suite


08/03/16
07H10

C'est comme être enfermée dans un cauchemar dont je ne sais sortir. C'est comme si j'étais en apnée, piégée dans les profondeurs. J'ai besoin qu'on m'aide. J'attends mon rendez-vous, en espérant qu'il m'aidera. Je sens que je glisse, que je ne sais plus me raccrocher aux herbes sur le rebord du trou. Que dormir est salvateur. Mais que les réveils sont amers.
 

La chute


07/02/16 





Il a vu mon mal-être, j'ai avoué, une crise, encore, qui nous fissure, car c'est réel, il pense à la rupture. Et je ne peux que comprendre. "Et tu te foutrais en l'air après, et j'aurais ta famille sur le dos, et je serai seul coupable, j'ai déjà connu ça..."

C'est peine perdue, pour tout. Je voudrais tant qu'un mal me foudroie cette nuit, sans crier gare. Une libération. Je n'y arrive plus. Je n'attends que mon RDV psy mercredi, même si mon psy va m'écouter sans m'écouter, rivé sur son PC.


Mémo



[Il faut que je me ressaisisse.]


[Il faut que je me ressaisisse...] 

Lettre à mon psy


Je la lui remettrai mercredi soir.





06/03/16



Le moral reste bas.



Je vais au groupe à reculons : pour le moment, je sais tout ce qui y est abordé. (situation, pensées automatiques, croyances, cognitions…) Cependant, il faut bien que les autres apprennent, alors j’attends qu’ils assimilent les bases en m’agitant sur ma chaise, j’attends qu’on passe à autre chose, je me tais. Je m’en veux d’ailleurs de ne pas réagir même quand je sais ce qu’il faut répondre. Pourquoi je ne dis rien ? Pourquoi je ne me manifeste pas ? Me dire, au fond de moi : la prochaine fois tu parleras, toi aussi. Si, si. Surtout si tu sais.



La conduite se passe.

Avec la boule dans le ventre, mais elle se passe.



Du reste, du dépit, de la lassitude. Pensées habituelles. Ennui existentiel. Vide. Envie de rien. Force de rien. Désintérêt de tout.



Et puis, il y a eu cette soirée. Chez des amis. On a joué à des jeux de société autour d’un verre pendant des heures. Je me sentais bien, et mon conjoint m’en a immédiatement fait la remarque sur le retour dans la nuit :



« Je t’embête assez quand ça ne va pas, il faut aussi que je te félicite quand il y a du positif. Cette soirée m’a redonné espoir, si tu savais. Tu avais l’air heureuse, tu avais vraiment l’air heureuse, et sociale, tu ne t’es pas isolée, tu n’as pas trop bu comme tu le fais d’habitude, tu étais… bien, enjouée, tu discutais, tu riais aux éclats. Je me pose beaucoup de questions en ce moment, sur toi et moi, si je ne fais pas fausse route… et bien cette soirée m’a redonné espoir, je me sens mieux. T’étais tellement bien ! »



Ne pas savoir, sur le coup, si je dois le prendre bien ou mal. Disons… ne pas savoir si je dois être satisfaite ou m’inquiéter : il se pose des questions sur notre couple, il se demande s’il fait bien de sortir avec une fille comme moi, il a dû se demander s’il voulait rompre ou non, voilà ce que ça sous-entend.

Ce que j’entends entre ses mots.

La remise en question. Sur nous.

Depuis, faire semblant mordicus que ça va bien. Sourire, paraître heureuse, pour qu’il ne s’en retourne surtout pas à ses questionnements. Sourire à m’en décrocher la mâchoire. Surtout ne rien dire sur le moral qui me joue des tours, faire semblant, insister s’il le faut en répétant que ça va et trouvant des excuses à tout. Insister quand lui-même insiste : tu es sûre que ça va ? Oui, ça va. Jouer la comédie. M’inventer un rôle. Cacher la noirceur, très loin.



Il ne sait pas les doses de médicaments que j’avale dans la journée pour tenter d’atténuer le mal, il ne sait pas les heures dans le noir sous la couette, à fixer le mur, il ne sait pas les aliments que je recommence à vomir. Il ne sait pas cette sorte de douce rechute qui se produit en moi, la dégringolade lente et sans fin.


Il ne sait pas que je cherche toujours ma place dans ce monde, ou disons, ne désire en avoir, j’aimerais tant disparaître. Il ne sait pas que je ne sais plus pleurer, à quel point pourtant ça me ferait du bien. Il ne sait pas le désintérêt, l’attente dans l’obscurité, que les heures filent, et le sommeil, le sommeil que je recherche pour m’enfuir loin de cette réalité qui me donne la nausée. Il ne sait pas la solitude qui me ronge, il ne sait pas les idées noires, il ne sait pas que j’ai de moins en moins envie de vivre.

Il ne sait pas les recherches sur internet, comme si Google allait me donner un moyen de mourir sans souffrir ou un dealer qui fait des prix sur l’héroïne. Il ne sait rien, je souris, je simule, j’ai l’air heureuse, et c’est tout. Il ne doit plus se poser de questions.







***




Réaliser, aussi, que j’ai besoin des autres.

Cette soirée. Avoir réellement été bien, à ne plus vouloir partir. Les échanges, les discussions, qui je ne sais pourquoi, se sont mieux passées que d’habitude.

Hier, un couple « d’amis » sont passés, aussi. J’arrive à discuter un peu, j’essaie d’être détendue.

Aller chez le dentiste, sourire avec la secrétaire, échanger des banalités, chose habituellement impossible tant j’angoisse pour tout et n’importe quoi. Ne pas ressentir d’anxiété, réaliser que cette femme ne me veut pas de mal, et que c’est plus agréable de sourire avec elle plutôt que de faire la moue. C’est peut-être ridicule ou insignifiant, mais d’habitude, je suis froide comme la glace avec toute personne étrangère.



Et me faire la remarque, peut-être à retardement : j’ai besoin des autres pour me sentir bien. La solitude est une tueuse en série. Ces autres qui m’effraient tant, en fait, j’en ai terriblement besoin.



Ne pas aller plus loin dans mes réflexions, parce que je ne sais la suite. Mais me dire que j’ai un besoin urgent de vie sociale. Que je dois avancer.



C’est contradictoire, la peur et le besoin de l’autre en même temps… mais c’est comme ça, pour le moment. J’ai besoin de ce que je fuis. De ce qui me fait peur.



C’est sûrement une avancée, que de penser ainsi. J’espère, je ne sais pas trop. J’attends de voir si les prochaines soirées continueront de bien se passer, ou si je vais me recroqueviller contre une huître à nouveau.



Réaliser avoir besoin des autres ne me donne cependant pas envie de les côtoyer. J’ai encore peur d’eux. Je pense à un mariage d’amis, en mai, je sais qu’on ne partira pas au vin d’honneur vu que mon conjoint est témoin, j’ai très, très peur d’y aller, de tenir jusqu’à six heures du matin, dormir dans un gîte avec d’autres gens, et rester au brunch le lendemain… Une situation à venir qui m’angoisse beaucoup. Et ce sera loin : je ne pourrai pas m’enfuir. Il faudra que je tienne. J’ai toujours détesté les mariages, et leur longueur, l’ennui, déjà tenir jusqu’au vin d’honneur c’est beaucoup… alors là, tenir jusqu’à la fin, ça me semble impossible. Je ne sais pas comment je vais faire.





07/03/16



Midi. Je n’ai rien fait de ma matinée à part me replier dans le noir et attendre. Je ne veux pas aller au groupe demain, c’est trop tard, c’est trop tard pour tout.

Je me suis fait un gros repas que j’ai vomi jusqu’à la dernière miette, et puis, j’ai à nouveau avalé trop de tercian. De moins en moins de motivation à me retenir de faire ce genre de choses. A quoi bon me retenir, je me demande ? Alors je vomi, je prends trop de médicaments, j’ai envie à nouveau de me faire du mal. Je cherche à tuer le vide qui me dévore, j’aimerais me sentir un peu vivante, rien qu’un peu. Avoir une envie, ne serait-ce qu’une.

Mes journées sont identiques. J’attends dans le noir. Je me lève à l’aube mais me couche au crépuscule. A vingt heures trente, je dors. Je fuis. Mais les réveils sont amers.

La journée, je me traîne au groupe, à mes RDV, ou j’attends dans le noir. Parfois, lire un peu, lire des récits glauques sur des gens qui ont bien plus de force que moi pour sortir de leurs tourments. Je fume trop. Quand je peux, je lui vole un peu de cannabis. Ça me fait du bien. Si on peut dire.

Je voudrais qu’il m’arrive quelque chose. A la place de quelqu’un d’autre, quelqu’un de vivant qui n’aurait rien demandé à personne. Voler la mort d’une personne qui voudrait en profiter. Avoir de nouvelles idées suicidaires en tête. Foncer dans un fleuve, portières verrouillées, avec ma voiture. Mais la peur encore de la souffrance. Mourir noyée, que ce doit être atroce. Quelle lâche je suis. Ni vivante ni morte, paumée, là, entre-deux. A faire du sur place. A attendre un drame qui ne viendra pas.

Je vais retourner me coucher. Et avaler encore du tercian. Je m’en fous. Je crois qu’il faudrait que j’arrête mes suivis, que j’arrête de voler la place de quelqu’un qui aimerait s’en sortir.

J’ai plus la force de faire des efforts. Être gentille, bonne élève, suivre la ligne blanche tatouée sur le sol. Non, j’ai de moins en moins la force. Je ne suis plus sûre que je peux vivre mieux. Je ne crois plus pouvoir cesser d’être torturée. Alors que faire dans ces cas-là ? 

Que faire quand il est trop tard, quand on tombe trop bas ? Trop bas pour se raccrocher ? 

vendredi 4 mars 2016

Petit à petit, l'oiseau fait son nid


04/02/16
08H57



L'heure et demie de conduite en tout s'est bien passé, malgré la pluie averse qui m’effrayait. Le tram aussi. Je m'habitue petit à petit. Même si la boule au ventre n'est jamais bien loin... elle résiste mais j'essaie de l'abattre en me forçant au lieu d'éviter.

Le groupe, ennuyeux : je connaissais déjà tout de ce qui a été dit, alors j'ai attendu, bêtement, en gigotant sur ma chaise. Les autres posaient des questions auxquelles je connaissais les réponses, je me suis ennuyée tout du long. 
J'espère qu'on passera vite ces bases (pensées automatiques, croyances et cognitions) pour entrer dans le vif du sujet, car pour le moment, je n'apprends rien.

Petite soirée avec des amis le soir venu, une très agréable soirée où je me suis beaucoup, beaucoup, mais beaucoup amusée. Celui que j'aime était "fier" de moi : je ne me suis pas isolée, je ne me suis pas bourrée la gueule, j'ai discuté, enjouée, et je ne voulais pas partir à 2H du matin, j'aurais aimé que le jeu auquel nous jouions dure toute la nuit.


Un peu mieux de ce fait, j'espère que ça va durer quelques temps.

 

mercredi 2 mars 2016

Blues


02/03/16
16H30


Pas envie d'écrire.
Mais le moral ne veut décidément pas remonter.


mardi 1 mars 2016

Reprise


01/03/16
14H15


La conduite s'est (objectivement) bien passée, même si je peine à respecter les limitations de vitesse, même si je me suis garée, comment dire... comme une merde, limite entre deux places. Le train, ça allait. Le tram, j'ai survécu. Je suis arrivée en avance à l'hôpital de jour.



Nous sommes donc six pour ce groupe "estime de soi", tous âges confondus : on est plusieurs à avoir 29 ans (même si dans 27 jours, j'en prends un de plus!), deux ont la cinquantaine, et une petite de 21 ans, aussi. 

Nous avons dû nous présenter en binôme, j'ai froncé les sourcils : hein ? On devait en apprendre sur l'autre et sur ses raisons de ce groupe, nos attentes, nos espoirs. J'ai donc présenté un homme de mon âge qui m'a lui-même présentée, entre gêne et inquiétudes.

La suite a été théorique, je me tournais et me tournais sur ma chaise, incapable de rester assise. Sans parler que beaucoup ne connaissaient rien de ce dont parlaient les intervenantes, donc il fallait leur expliquer, et sachant déjà tout personnellement de ce que sont les cognitions, les croyances et les pensées automatiques, je me suis un peu emmerdée. Et puis le temps a filé, on a pas eu le temps de faire les exercices, que l'on fera jeudi.

Pendant un mois, ce sera deux fois par semaine, puis une fois. 

J'ai toujours la bougeotte. Le moral va et vient, mais nettement mieux que la semaine dernière avec la crise sombre et suicidaire qui nous a ébranlés, celui que j'aime et moi. Je me sentais sur le rebord, prête à sauter, j'ai été submergée par une vague de dépression dont je me demandais si j'en sortirais.

Je continue cependant de me noyer ou dans le sommeil ou dans la lecture. Pour pas affronter le réel. Le réel, les angoisses, les doutes et autres incertitudes.

La séance psy d'hier soir, de son côté, n'a servi à rien. Je crois que mon psy "profite" de mes séances pour mettre à jour sa paperasse : il tapote sur son ordinateur, sans rien dire, puis commence une phrase, continue de tapoter, oublie de quoi il parlait... je viens lui confier ma douleur et je n'ai que son silence en retour. Pas assez forte pour lui signaler "oh hé, je suis là, vous pouvez m'accorder au moins cinq minutes ?" 





Fâchée, j'ai voulu espacer les séances, mais il n'y tient pas, à moins que "ça ne vous serve plus à rien de venir". Me suis retenue, parce que d'autres séances m'ont prouvée combien il peut savoir me soutenir et me remonter le moral. Je lui ai laissé le bénéfice du doute.

Et la vie continue...

vendredi 26 février 2016

Je voudrais


26/02/16

Encore une crise de noirceur hier, un mal-être insoutenable et nombre d'idées noires. 
Mon couple qui, une fois de plus, se fragilise. La douleur vive intérieur dont on ne sait comment l'éteindre. Avoir envie de fondre en larmes dans un recoin mais n'avoir que des yeux secs et arides. Souffrir à en crever la gueule ouverte.
Nous ne nous en sommes pas encore remis. Et je souffre encore, en douce. Je ne comprends pas. 

Seulement voilà, j'ai pas envie d'écrire. 

J'ai pas envie là-dessus.
 

mardi 23 février 2016

Cache-cache


24/02/16
07H33




Le moral joue et se cache. 

Hier, mon psy est parvenu à me remonter le moral je-ne-sais-pas-trop-comment. Comme il sait si bien le faire. En me rappelant que le trouble borderline me fait voir tout en noir et seulement le négatif, que je considère les petites victoires comme moindres et insignifiantes, alors qu'elles devraient être comptabilisées elles aussi. 

Il m'a rappelé mes efforts qui ont payé, mes craintes qui se sont effacées, parfois, les choses que j'ai réussies, les situations qui se passaient mieux que je ne le pensais. Le tout avec quelques touches d'humour, je suis parvenue à sourire à une de ses réflexions. 

Je suis sortie de la séance légère et avec un peu plus de motivation qu'en y étant allée. Cependant, les jours reprennent, et les angoisses, et le mal-être. Je vais noter ce qu'il m'a dit, du peu que je m'en souviens, pour pouvoir le relire... quand ça va pas. 

Je continue cependant de me noyer dans la lecture (si, si, j'arrive à lire en ce moment) ou le sommeil. Fuir le réel. Me calfeutrer loin du monde.
 

dimanche 21 février 2016

Les mots bleus


22/02/16
08H33



Des potes qui passent à l'improviste. 
On s'embarque avec eux et un autre couple, plus les trois enfants, se balader à Aix-les-Bains. 

Il fait bon, il y a énormément de monde. Des stands de barbapapa ou autres churros un peu partout, avec de longues files d'attente. On en grignote quelques uns, avec du sucre-glace saupoudré dessus. On avance lentement : y'a la poussette, et le petit qui court après son ballon dans l'herbe. A nouveau je ressens le vide de ma vie. Je me demande pourquoi rien n'attire mon attention, je me demande aussi pourquoi je ne suis pas comme eux, mariée, mère, épanouie, dynamique. Je croise les bras sur ma veste en cuir. J'avance lentement, je suis le cortège, alors qu'au fond, j'aimerais courir.

On rentre, embouteillages et déviations. Je murmure un "on s'attarde pas trop, hein ?" parce que l'après-midi m'a suffit. Je ne dis pas grand chose. Les filles s'occupent des enfants dans la chambre, je suis assise avec les mecs, à tournicoter dans mes pensées, comme d'habitude. Ils proposent une soirée pizza, mais on part après une petite bière. 

J'énonce je ne sais plus quoi. Il s'énerve. Je m'énerve. On sait plus se parler, dit-il. Et de poursuivre. On a de gros problèmes de communication, je dis plus rien, tu prends tout mal, je dois peser le moindre de mes mots avec toi, j'en peux plus...
Je me tais. Je ne m'en rends pas compte. En même temps, me taquiner sur des sujets qu'il sait sensibles, c'est normal que je réagisse mal. Je ne dirai plus rien non plus. 

Je ne dirai plus rien, plus rien du tout.

Nos silences habituels vont devenir une habitude. Deux êtres qui ne se disent rien. Pour éviter les disputes et le ton qui se hausse. Déjà qu'en temps normal, on ne se dit pas grand chose... déjà qu'en temps normal, je galère à le faire parler.

Sur le coup, le sentiment d'une énième brisure, le sentiment qu'il n'est pas heureux avec moi, le sentiment que je le tire vers le bas - ou je ne sais quoi. Ça résiste encore aujourd'hui. Que faire, ai-je demandé hier entre deux phrases sifflées entre les dents. J'en sais rien, a -t-il répondu. J'en sais rien... mais je dirai plus rien. J'ai promis, je ferai des efforts, j'essayerai de m'en rendre compte, du fait que je me braque ou que sais-je. Ouai. C'est ça... si. Ouai. J'dis plus rien.

En fond sonore ce matin, le film "closer", comme ça, qui se distille pour me tenir compagnie. Un film où les couples ne durent pas. Je vais essayer de sauver encore et toujours mon couple, disons le préserver, le faire durer. Mais je fatigue.
 

vendredi 19 février 2016

Soirée mitigée


19/02/16
08H49





Soirée cinéma-resto hier. 

J'ai été disons agréablement surprise par le film, que je ne serais pas allée voir spontanément si j'avais été seule. Un peu de "légèreté" qui fait du bien. Mais un mal fou à rester concentrée.

Le restaurant, ça a été plus délicat. 

Nous étions avec deux amis. L'un s'est mis à parler de son ex, avec qui il est resté ami, récemment diagnostiquée bipolaire elle aussi et sortant tout juste d'hospitalisation. Les discours vont bon train, les inquiétudes à son sujet. Et là, je perds le nord, je me dis, je crois : toi, tu leur répètes sans cesse que ça va, alors que ce n'est pas le cas, personne ne s'inquiète jamais, personne ne sait les fois où tu as attachées ensemble des ceintures à une poignée de porte, où il ne te manquait que le courage, et les larmes amères après, et les questionnements permanents, les doutes et incertitudes... les idées noires.

Je me suis sentie jalouse. Parce que moi, on s'est habitué, et je répète comme un robot des "ça va et toi ?", pour la forme, toujours. Si mes psys savaient certains détails d'ailleurs, je serais aussi passée par la case hospit. Personne ne s'inquiète jamais pour moi, ai-je osé pensé, pauvre et sombre idiote.... j'ai détesté, ou je déteste ce sentiment que j'ai eu hier. Cette impression que moi, je n'inquiète jamais personne. Je suis la fille bizarre et c'est tout.

Le thème du suicide est arrivé. Son passé. Cette histoire qui le ronge encore. Son ami de toujours qui lui répète qu'il n'y était pour rien. 
On me regarde. L'un sous-entend que je dois être forte et éviter à celui que j'aime de revivre un tel enfer. Ça explose dans ma tête. Je dis la vérité, elle sort pure et fluide comme de l'eau de roche. 

[Je ne m'accroche pas pour moi. 
Je m'accroche par amour. 
Je ne veux pas lui faire revivre ça. 
Mais je n'aime pas la vie. 
Quel intérêt ? 
J'ai souvent envie de mourir. 
Je me sens piégée dans la vie, à cause de ça.
J'essaie, mais je préférerais être morte.]

Ça jette un froid. On me regarde avec des yeux ronds comme des billes. Celui que j'aime murmure : tu vois, c'est pas facile d'entendre ce genre de choses... On discute un peu. On me questionne. Je sens que je suis allée trop loin. Je suis à la fois gênée et à la fois... je m'en fous. 

Après tout, les "ça va", j'en ai assez. Personne, jamais, n'a su mes idées noires. J'avais peut-être besoin de les exposer au grand jour. Devant des personnes qui pensent que ma vie est facile, puisque je ne bosse pas, qui pensent que c'est l'éclate, qui pensent que je vais bien. Il fallait que ça sorte, et c'est sorti sans entraves ni barrières.




Du reste, je me sens toujours mieux avec des mecs que des filles. C'est un fait.

Mais là, seule avec trois gars, je réalise encore les jugements sur les femmes. Ça a le don de m'énerver, cette façon de nous mettre dans des cases. 

"On a pas la serveuse anorexique ce soir, tiens, la serveuse est une bombasse, tout ce que j'aime, t'as vu la fille de la série X là, la blonde, celle-là je lui ferais bien son affaire, d'ailleurs je ne regarde cette série que pour les filles dedans, t'as vu comme elles sont bonnes ?"

L'envie de hurler. 
Je sirote la fin de mon Monaco en serrant les dents sur la paille. 

Et lance en l'air un "en même temps, tu donnes un styliste, un maquilleur, un coiffeur et un bon logiciel de retouche à toute fille comme ces actrices et t'auras des bombasses". 

L'air sinistre, énervé, fatiguée et n'osant imaginer le nombre de jugements qui s'élèvent sur les femmes dans ce monde. 

Dans la voiture sur le retour, on en parle sans en parler. Je laisse couler ma haine. Vous les mecs vous ne voyez que la surface, y'a que ça qui compte. C'est pathétique. Si on est pas "bonnes" on est rien. Il me dit te met pas dans cet état, mais c'est plus fort que moi. Une fille n'est pas une marchandise, un emballage, bordel ! Et vous, vous vous croyez comment ? Vous pensez êtres des idéaux masculins ?

La soirée se termine.
Direction dodo.
Minuit est passé, je tombe de sommeil et m'endors dans un sommeil sans rêves.


mercredi 17 février 2016

La crise de la pré-trentaine


18/02/16
07H37




Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Dans le miroir le matin, je guette les premières rides, celles qui bientôt orneront mes yeux et mes lèvres. J'observe ma façon de m'habiller, en me jugeant trop vieille pour ce que je porte. Je crains le corps qui se déchausse, je crains le visage qui s'affaisse, je crains la jeunesse qui, je le sens, s'enfuit loin, très loin de moi.
J'ai peur, parce que je sens les secondes et les minutes qui m'éloignent irrémédiablement de mes vingt ans. Je ferme les yeux très fort, parce que vieillir me terrifie. C'est comme être sur la pente descendante désormais, c'est comme avoir atteint le haut d'une montagne et dégringoler, soudain. Comme si tout était fichu, perdu, périmé, comme si je n'avais pas été là toutes ces années, comme si je n'avais pas vu le temps passer.
Je ne réalise toujours pas être adulte, ça ne s'intègre pas dans ma petite tête. J'ai toujours le sentiment d'être cette adolescente mi-gothique, mi-lolita, qui errait dans les ruelles avec pour seul but : l'autodestruction la plus totale, la plus vive et la plus profonde.


Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Je ne comprends pas très bien comment j'ai fait pour atteindre cet âge-là, c'est un peu irréel pour moi, c'est assez… disons, improbable.
Je devais mourir à dix-huit ans, je m'en rappelle très bien. C'était la date convenue, c'était l'objectif, le dessein, l'évidence. Juste après le bac et ses épreuves passées dans l'indifférence et la désinvolture. J'ai essayé, oui, après tout : c'était prévu comme ça. Je me suis réveillée aux urgences plutôt qu'à la morgue. Alors j'ai recommencé. Encore, et encore. Les cachets ne semblaient jamais assez forts ou nombreux, les coupures jamais assez profondes. J'ai finalement passé mes vingt ans en clinique, sans fête, sans amis, sans sourire. Le corps osseux et la tête en travaux.
Ma jeunesse en fait, je crois pouvoir dire que je l'ai piétinée. Je n'en ai pas profité. Alors pourquoi la regretter, puisqu'elle n'était que du sable fin entre mes doigts ? Tant de questions qui encore résonnent et jamais n'offrent de réponses. Tant de doutes, d'incertitudes.


Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Et déjà, je fais le bilan.

Autour de moi, les enfants pullulent et se multiplient. Les couples d'amis - aux boulots stables et sains d'esprit - se passent la bague au doigt : les mariages ici et là, à droite, à gauche, encore. Partout ça se fiance, partout ça se dit « oui ». Et les achats immobiliers, pour parfaire le tableau.
Il y a ces grandes maisons en lesquelles je erre un peu, perdue, quand on nous y invite. Ces grandes maisons à crédit, où rampent des enfants entre deux jouets, avec sur les murs des photos du grand jour, de la robe blanche au costume, des alliances aux photos de famille.

Je n'aurai jamais d'enfant.
Je n'en veux pas.
Je ne me marierai jamais.
Il ne veut pas.
Nous sommes trop écorchés vifs, l'un comme l'autre, pour envisager l'avenir dans des tons roses et colorés, trop réalistes pour imaginer quelque engagement éternel, trop lucides pour les "jusqu'à ce que la mort vous sépare". Nous sommes trop anticonformistes pour une vie comme celle des autres, avec nos passés douloureux et nos points de suture.

Et alors je me demande tout bas : que nous restera-t-il ? Qu'est-ce qu'une vie sans famille, sans abri, sans promesses ?
Et alors je me demande, tout haut : ai-je un but, un objectif, ai-je des envies, des projets ?
Le manque de réponse m'est amer. Je ne veux rien, je ne désire rien. Je regarde les autres et leurs vies bien remplies, à côté de la mienne, terne et grise, vide, tellement vide. Une coquille. Un gouffre. Une page définitivement blanche.

Jamais je n'achèterai de maison ou d'appartement. Je ne suis pas encore rangée, non, je ne suis pas encore assez stable, le monde du travail est quelque chose d'abstrait, c'est à peine si j'ose sortir de chez moi.

Mon CV est quasi vide, alors que mon dossier médical doit contenir des centaines de pages – au moins.

En parlant de nombres. J'ai douze années de psychothérapies variées derrière moi, si on ne prend pas en compte les pédopsychiatres en maternelle. Douze ans de cachets divers, de médocs, de pilules. Onze années de trouble du comportement alimentaire. Dix ans de tabagisme. Six ex petits-amis, autant d'ailleurs que de tentatives de suicide. Deux années d'hospitalisation, en tout, si on accumule tous les séjours chez les fous. Deux mois d'électrochocs, donc vingt anesthésies générales, dans une de ces deux cliniques où j'ai traîné mon mal de vivre. Des dizaines de coupures et brûlures cicatrisées sur le corps. Trois tatouages.
Quinze ans d'âge mental encore, je le crains.


Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Je ne sais même pas si je vais fêter ça, d'ailleurs si je le faisais, je ne saurais qui inviter : les personnes qui comptent vivent loin, trop loin pour venir m'aider à passer ce cap. Et elles sont peu, minuscules, infimes, elles sont rares, en voie de disparition. J'aurais probablement envie d'un bon coma éthylique ce soir-là, pour oublier l'évidence, oublier que je fonce dans un précipice, que je dégringole désormais de la montagne que j'ai escaladée je ne sais trop comment. Je pense que je boirai beaucoup, entre deux larmes de crocodile.


Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Je n'ai rien accompli de ma vie, et je doute que cela change. Je n'ai rien de concret sur quoi m'appuyer, juste des châteaux de cartes un peu partout, qui s'écroulent et que je tente en vain de colmater. Le grand méchant loup souffle sur mes espoirs comme sur les maisons des trois petits cochons. Le loup ou le vent, je ne saurais vraiment dire. Je sais juste que c'est la tempête en permanence, et les éclairs me font frissonner.


Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Quelle est ma vie, ou quelle sera-t-elle ? Qu'a-t-elle été, que deviendra-t-elle ?
Dans des carnets toujours les mêmes phrases qui reviennent, les mots changent mais le fond persiste.
Dans des carnets, je note le mal de vivre et l'envie d'en finir, je note les espoirs vains et les rendez-vous chez le psychiatre. J'avale mes pilules tous les soirs, je fais des origamis avec mes ordonnances trop nombreuses.
Je sais enfin ce que je suis – pardon, ce que j'ai – je sais que je ne suis pas folle, je connais mes pathologies. Le problème, et il faudra que je me fasse une raison, c'est que cette vie « normale » à laquelle j'aspire, je ne l'aurai jamais. Non, pas de métro-boulot-dodo pour moi. Pas plus d'enfants qui gambadent, pas plus de cérémonie devant le maire, ni de maison à décorer.
Ma vie restera striée, hachée comme de la viande avariée.
Mon psy continuera de me dire que j'ai mauvaise mine, mon petit-ami continuera de soupirer que je ne sais sourire, mes parents continueront de se demander ce qu'ils ont fait pour mériter ça.
Et moi. Et moi, je continuerai de maudire mon existence, moi, cette anomalie, cette imperfection, cette entité incapable de vivre, simplement, sans questions ni pessimisme, sans remises en questions perpétuelles, sans neuroleptiques, sans régulateurs d'humeur.

Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
J'écrirai sûrement ce jour-là.
J'écrirai la peur, la déception, j'écrirai les regrets ou les remords, j'écrirai sans réaliser que tout cela est réel.
J'écrirai, entre deux verres de rhum ou de tequila, j'écrirai la rage et le désespoir.

Dans un mois et demi, j'aurai trente ans.
Putain, si on m'avait dit ça y'a dix ou quinze ans… oui, sans nul doute : j'aurais bien rigolé.


Cassée


17/02/16
20H24



Comme chaque fois, dès que j'ai avalé mes neuf cachets, je tombe littéralement de sommeil. Les paupières lourdes, souvent je m'endors devant le film ou la série du moment. 

Ce soir, je lui ai dis d'en profiter et de jouer à la console : autant qu'il s'amuse, moi, je ne tiens plus debout. Je crois que je ne vais pas tarder à m'endormir. Je me couche de plus en plus tôt, pareil le matin, debout à l'aube. Je pense que cette fatigue provient du traitement, je ne vois pas quoi d'autre. 

C'est frustrant. Surtout en soirée. Quand à 21H30, je commence à m'affaisser sur la table, les yeux mi-clos et se fermant tous seuls... le fait de devoir partir avant les autres, parce que je m'endors totalement au bout d'un moment.

Je sens mes paupières lourdes s’affaisser. Le corps qui capitule. Bon sang, il n'est que vingt-heures trente ! J'ai honte.

mardi 16 février 2016

Avant que l'ombre...


16/02/16
15H15




Mylène en fond sonore. Une boule dans le ventre. Du lysanxia dans le sang. Un rendez-vous chez le psy ce soir. Trop de café. Un chemisier à carreaux vert et bleu. Les cheveux pas coiffés. Du rose sur les lèvres. Le silence qui entoure la musique. La musique qui entoure le silence. La sensation d'étouffer. Les mains qui tremblent légèrement. Le cœur qui bat trop vite. Les secondes qui se mélangent. Et les post-it un peu partout. L'agitation, la haine, la colère, disparues. Reste le vide. Le vide pesant qui m'enveloppe. Le calme, enfin, qui s'installe et me tue. Je fais la morte. Ne serait-ce que pour quelques heures. Loin du bouillonnement, du volcan, du dragon. Ce soir, il faudra revivre. Sortir, parler. Ou pas. On verra bien. La mince déconfite. Qu'importe. Le téléphone en silencieux. J'ai pas envie. Ne manque que l'obscurité. L'ombre. S'étendre et juste rester ainsi, là. Morte-vivante. Dans l'entre-deux. Ailleurs. L'envie d'écrire. La muse s'est enfuie. L'envie de créer. L'inspiration en berne. Je profite de l'instant. Je profite de ma carcasse apaisée. De ce moment qui, je le sais, ne durera pas. Je profite. En attendant. 

samedi 13 février 2016

Réaliser le positif


13/02/16
17H33




Bon. Objectivement, mes rendez-vous se sont bien passés. Disons plutôt la conduite et l'aspect social dans le train et le tram. Je réalise que j'angoisse et appréhende pour rien, en fait, mais voilà, mon corps n'en fait qu'à sa tête : ça palpite, ça bat à la chamade, ça tremble... même si je sais que, objectivement, il n'y a pas à s'en faire.

J'ai rempli deux questionnaires pour le groupe "estime de soi". L'intervenante a survolé mes réponses pour finir par conclure : "en effet, ce groupe est fait pour vous."  J'ai dû énoncer mes attentes, mes désirs, ce dont je pense que ce groupe va m'apporter. Nous ne serons pas plus de six. Deux séances par semaine pour commencer, puis une seule, début en mars et fin en juin. Groupe intensif, on fera pas mal d'exercices, seuls ou en petits groupes, et il faudra savoir parler de soi, de son expérience. Vous en sentez-vous capable ? J'ai répondu oui.


Il faut que je réalise le positif au lieu de me concentrer sur le négatif, tous contextes confondus. Je m'arrête sans cesse sur "le" détail négatif, oubliant tout le positif autour, comme me le répète souvent le psychiatre de l'hôpital de jour, en appuyant sur mon "grave trouble de la personnalité borderline", et à chaque fois, c'est comme s'il me tirait dessus tel un sniper. Un peu lasse des cases dans lesquelles je suis : borderline, bipolaire, anxieuse sociale... 
L'avantage du groupe, comme me le disait l'intervenante, c'est que toutes les pathologies sont confondues. On ne s'arrêtera pas dessus, on ne se cataloguera pas, non. On sera juste des gens peu confiants ensemble pour aller mieux.

Et ça me va très bien.


***


Du reste, j'essaie de me remettre au dessin, à la peinture. Je fais des speed painting penchés, et ça m'amuse. J'essaie de peindre sans me mettre de pression "ça doit être beau", juste peindre pour le plaisir, mais ça reste difficile. Parvenir à rester concentrée est déjà un bel exploit, ça me suffit.




mercredi 10 février 2016

Rentrée


11/02/16
07H14


Ça y est, les rendez-vous reprennent. J'ai encore été réveillée par un cauchemar concernant la voiture, que je prendrai tout à l'heure. Voiture, train, tram, rendez-vous, tram, train, voiture. Je sens la boule d'angoisse dans le creux de mon ventre rouler sur elle-même. J'ai pris un lysanxia de plus que convenu. Je pars d'ici une heure, je serai sûrement très en avance à la gare, j'espère que ça ira au volant, et que le tram ne sera pas trop bondé...

Vraiment, ces peurs me gâchent la vie.

Les souvenirs malsains


Samedi 24 décembre 2005




Je vole beaucoup.

J'ai volé pour au moins trois cent euros à la librairie, en livres, stylos, papier à lettre, cartes de vœux, magazines, agendas, journaux intimes, ou babioles diverses. J'ai volé des tee-shirts et des collants à la halle aux vêtements. J'ai volé des chewing-gum au tabac. J'ai volé des gâteaux, du chocolat et du sel au petit casino. J'ai volé des crèmes amincissantes et des bonbons sans sucre à la pharmacie. J'ai volé des colliers, des casquettes, des robes, de la bouffe au marché. J'ai volé du parfum, des colorations, des barres protéinées au Leclerc. J'ai volé des bijoux dans un petit magasin du coin. Volé des fringues et des peluches à la friperie.
« Vous êtes une voleuse », répète souvent le psy avec un sourire en coin, et il a raison.
Je vole, je ne fais que ça.

Et puis avant-hier, je suis allée dans un magasin de fringues, je voulais absolument une belle robe, alors j'ai déchiré un peu de son tissu, dans le dos, là où y'a l'antivol, me disant que je ferai de la couture plus tard. J'ai embarqué la robe, et tout va bien, ça ne sonne pas vu que l'antivol traîne dans la cabine.
Je me rends au magasin d'à côté, et mets plein de babioles inutiles dans mon sac, droguée d'illusion et d'ivresse, et je sens alors un employé du magasin me suivre. J'attrape rapidement un voile oriental pour le donner à ma compagne de chambre, et je vais me cacher pour le glisser dans mon sac.

« Hep, hep, hep ! »

Une femme s'approche de moi, celle du magasin d'à côté où j'ai trouvé la robe, suivie de l'employé du magasin qui se doute bien que j'ai réservé le même sort à ses babioles étiquetées.
Je suis furieuse d'être prise alors que j'ai tant volé cet après-midi, que j'ai tant d'adrénaline dans mon sac, je m'exclame, faussement coupable : « excusez moi, je suis cleptomane, la personne qui doit m'accompagner est malade, et la clinique ne l'a pas su à temps, oui, oui, je suis patiente là-bas… »

Excuse facile.
Après tout, c'est fait pour ça les excuses.

La femme reprend sa robe, le mec son voile oriental et la dizaine d'objets que j'ai chapardé au gré des rayons.
« Bon, vous allez faire quoi ? »
Mon indifférence m'effrayerai presque, de me voir là, calme, attendant la sentence.
Mais non, ils ne préviennent pas la police, et je reste furieuse.
« Ils m'ont piqué ma jolie robe ! De toute façon elle était trouée, ils vont en faire quoi… »

Entre-temps, j'ai à nouveau volé à la maison de la presse, des trucs qui je l'avoue ne servent à rien, des cadeaux pour les autres.
Attendant que l'on s'en aperçoive, qui sait, qu'enfin on ose me faire peur en tapant le 17. Me sentir moins transparente, parant ma chambre de clinique de mille et uns objets ne m'appartenant pas, offrant aux autres tout ce que je ne pourrais payer, offrant aux autres des cadeaux en surplus, quémandant un sourire, un mot, un quelque chose.

Je vole à perdre haleine.
Je crie mon existante précaire.
Je glisse entre les mailles de mon filet.

Invisible.

Tout à l'heure, j'irai faire une réserve de colliers, de bracelets… peut-être même des fringues, peut-être même des graines de tournesol à vomir.

Hier en accompagnant Isabelle au Leclerc, je n'ai pas pu m'empêcher de prendre un parfum, comme ça, en douce.
Et à la pharmacie, j'ai emprunté du baume pour les lèvres, et des bonbons un peu pâles. Il m'est même arrivé d'essayer d'ouvrir les portes des voitures pour fouiller des sacs à main, ou regarder avec envie les sacs des gens dans la rue aux heures de pointe.

Au fleuriste, je n'avais rien d'autre à prendre que des chocolats, j'ai d'ailleurs fait ma crise de boulimie avec, le soir, ils n'y ont vu que du feu, et chez le fleuriste, et au retour à la clinique.
J'ai ouvert la boite, avalé les chocolats en regardant le soleil se coucher sur mes yeux tristes, et quand la boite fut finie, je me suis vue vomir, d'en haut, lointaine, déjà partie.
Vomir tout ce qui me fait mal, tout ce qui dévore en silence.
Vomir ma vie non digérée.

Et puis j'essaie de philosopher, de me trouver de jolies excuses qui aideront à supporter mes vices.
Me dire avec une jolie conviction que lorsque l'on sait voler, on part avec un avantage dans la vie.
Car oui, on s'en sortira toujours mieux que tout le monde.

Et puis, inévitablement, revient la tristesse. Car j'ai volé un couteau de cuisine à Leclerc avant-hier.
Je l'ai calé le long de ma jambe, pour l'introduire dans la clinique, puis dans ma chambre, où je l'ai enfoui en fond d'un sac gorgé de toutes ces robes que j'ai cueillies à droite à gauche, le mercredi au marché lors de mes sorties clandestines et non autorisées.
La tristesse revient, et en attendant, je sais qu'il est là. Porte de sortie, si jamais.

Car c'est ainsi, concernant la souffrance, on est jamais trop prudent.

Reprise


10/02/16
13H21



Demain, la "rentrée", un premier rendez-vous avec ma coordinatrice demain, et un autre pré-groupe vendredi. J'ai cauchemardé toute la nuit au sujet de la voiture. Ça m'a réveillée en sueur ce matin. J'espère finir par me ré-habituer. Et retrouver cette fichue confiance au volant.

Agitée. Je me demande dans combien de temps on saura si l'augmentation du Xeroquel sert à quelque chose.
J'essaie de me remettre au dessin, petit à petit... La routine entoure tout le reste. Moins d'angoisses, et le sentiment d'être hors du réel. Ailleurs. 

J'attends... pour le traitement, le projet professionnel, le groupe, la conduite, les RDV... 
J'attends.



lundi 8 février 2016

Peut-être


09/02/16
08H20



Rendez-vous psy hier. 
J'ai à nouveau insisté et parlé à nouveau de cet état d'agitation négative, d'irritabilité, de nervosité, cette façon de ne me poser sur rien, ni me (re)poser. Le manque de concentration, le manque d'attention, le fait de râler pour un rien, le sentiment que rien ne va assez vite. Ce volcan en moi. Ce monstre, ce dragon.

Mon psy pense que ce sont des "petites" crises maniaques. Une crise maniaque n'est pas forcément comme on le pense traditionnellement : sentiment de toute puissante, créativité, achats compulsifs, projets fous... ce peut-être aussi de l'irritabilité exacerbée, une rage, un bouillonnement. 

Et même s'il ne gère pas mon traitement habituellement, il m'a augmenté mon neuroleptique. Selon lui, là est la cause, ce serait des crises maniaques, appuyant sur le fait que juste avant, j'étais mal, dans une phase dépressive qui a duré pas mal de temps. Que donc, ce serait logique.

Bref, je prends mes petites pilules. Y'en a de plus en plus, tous les soirs. Mais tout en restant sceptique. On verra bien si survient le calme, un beau matin, dans ma vie. Si j'arrête de me prendre pour une tornade négative.

Du reste, j'essaie de ne pas appréhender la conduite pour mes RDV de jeudi et vendredi. J'essaie de ne pas appréhender les RDV non plus. Ni l'avenir. Ni l'arrêt du tabac, il faudra y passer, même si ça me file des idées noires et qu'il m'en rachète à chaque fois tant ça me fout dans des états pitoyables. Ni le fait de devoir trouver un boulot et me mêler aux autres. J'essaie de ne pas y penser.

J'essaie de garder le moral, même si c'est pas évident. 
Et les tensions, avec Lui. 
Et prendre sur moi. 

Et avoir (souvent) envie de tout foutre en l'air, à commencer par moi.

samedi 6 février 2016

Speed


06/02/16
15H33



Agitée. Nerveuse. Tendue. Impatiente. Incapable de me poser. De me (re)poser. De me concentrer. Je tourne et tournoie, j'ai besoin de bouger, sans cesse. Debout, assise, debout, en haut, en bas, en diagonale...
Je rêve qu'on me donne un bon calmant, ou un médicament qui puisse me calmer. Car c'est ça : me calmer. Arrêter de bouillonner ainsi de l'intérieur, faire cesser le volcan qui crache son venin. Je suis épuisée de cet état que je ne comprends pas et contre lequel je n'ai pas d'armes. 
Un écureuil survolté de dessin-animé. J'avale parfois un peu trop de médocs, mais ça ne m'apaise pas. Je suis survoltée, je ne sais plus m'arrêter, ni faire quoi que ce soit, ce n'est pas constructif du tout - en somme.
Je veux du calme, de l'apaisement, je veux du zen. Je suis un feu d'artifice raté. Une fête qui tourne mal. Un manège qui s'emballe.
Il faut que ça s'arrête.


mercredi 3 février 2016

Respire


03/02/016
09H00





Respire. Respire… essaie, aller : essaie. Ne reste pas ainsi, là, comme ça : en apnée. Essaie, aller, respire. Inspire profondément, bloque, expire doucement. Encore. Et encore. Je sais la douleur en dedans, la douleur qu'on ne voit pas, mais qui dévore, qui annihile. Je sais. Essaie de te calmer. Je sais que les forces te manquent, que tu t'es allongée en fin de matinée et qu'à présent, tu ne sais plus te relever. Je sais le poids de la souffrance sur ton corps, ce poids qui t'empêche de te redresser. Je sais. Tu es roulée en boule, tu suffoques, tu étouffes. Je t'en prie, reste avec moi, écoute-moi, ça va aller. Je ne peux pas te dire ni quand, ni comment, mais il faut que tu t'accroches. Je sais que la douleur te tue à petit feu, jour après jour, seconde après seconde, je sais qu'elle est là, toujours là, qu'elle te réduit en miettes, en cendres, mais je t'en prie accroche-toi, ne pense pas au pire. Respire. Respire profondément, pour que l'angoisse se dissipe. Je sais combien c'est désagréable et tuant, l'angoisse, latente, celle qui te réveille le matin, celle avec qui tu t'endors le soir, je sais. Je sais… mais garde espoir, tu l'as toujours fait, il faut que tu continues, il faut que tu trouves quelque part la force de ne pas céder aux idées noires, ces idées noires qui te mentent, qui te chuchotent des mots doux, des mots d'un monde où tu ne ressentirais plus le moindre mal. Je suis là, en toi, je suis cette petite voix qui résiste comme elle peut, qui tente de te tirer vers le haut, qui tente d'éviter que tu ne capitules. Je suis en toi, je tente de crier plus fort que les autres voix, celles qui parlent d'abandonner, pour te libérer de tous ces maux qui te grignotent. Il y a toujours une solution, tu trouveras la lumière au bout de ton tunnel, des personnes t'aident et te soutiennent, tu n'es pas toute seule, même si tu as ce sentiment de solitude qui persiste, lourd, pesant, asphyxiant. Repose-toi. Ne t'en demande pas trop. Prend soin de toi. On va trouver une solution, on va trouver une trêve, pour que tu puisses enfin reprendre ton souffle, pour que tu puisses sortir la tête hors de l'eau, je te promets que l'on va trouver, il faut que tu me fasses confiance. Accroche-toi. Ferme les yeux. Avale un anxiolytique, il t'apaisera peut-être un peu, résiste à l'appel de l'alcool, ou des mélanges, ça ne t'aidera pas, et tu le sais. Il faut que tu continues de te battre. Il faut que tu prouve à ce monstre qui te bouffe qu'il ne gagnera pas, car non, il ne gagnera pas. Tu es toujours là, vois-tu, après tout ce que tu as vécu. Tu t'es débattue, tu t'es défendue, tu as crié, résisté, survécu… tu es toujours là. Alors s'il te plait, reste avec moi. On va trouver quelque chose, on va survivre encore, je suis là, moi, la petite voix de l'espoir, et tu sais que je resterai. Alors respire. Inspire, bloque, expire. Surtout n'oublie pas de respirer. Je te promets que je resterai là pour te souffler de tenir. Et tant que je serai à tes côtés, les idées noires iront se faire voir, si, si. Alors reste. Bat-toi. Essaie de te relever, de sortir ce lit, de trouver la force de prendre une douche, la force de sortir. Il faut que l'on te remette en marche. Je suis là pour t'aider.
Fais-moi confiance, une dernière fois.